sábado, 20 de abril de 2013

Interview de Reina-Flor Okori Makendengue Evita (Tradúzcalo a la derecha)

20.04.2013 - Etonnante Reina-Flor Okori qui, à l’âge de 32 ans, est redevenue en février dernier championne de France du 60 m haies !

Reina- Flor : "Les Equato-guinéens n'ont rien à envier aux Américains ou aux Jamaïcains, nous sommes des forces authentiques..."


Entraînée aujourd’hui par la grande Patricia Girard (médaillée aux JO d'Atlanta sur le 100 m. haies en 1996), celle qui fut une enfant prodige sur les haies comme à la longueur lorsqu’elle débuta à Besançon (France) s’est constitué depuis un palmarès impressionnant (Championne d'Europe junior, multiple championne de France, en demi-finale aux Jeux Olympiques d'Athènes 2004 et de Pékin 2008), malgré les blessures qui l’ont obligée bien souvent à s’arrêter.

Ainsi, de retour en 2011, elle s’était brillamment qualifiée pour ses 3e Jeux olympiques avec un chrono en 12''72 sur 10 m. haies. C’est donc sous le maillot bleu blanc rouge qu’elle disputa les JO de Londres en 2012. Et pourtant, quelques mois plus tôt, c’est en Guinée équatoriale qu’elle était venue prendre contact avec les autorités sportives afin de représenter le pays de ses parents. Retour sur un rendez-vous manqué.

- Que s'est-il passé avec la Guinée Equatoriale ? Pourquoi avoir finalement renoncé à courir pour ce pays, alors que vous le souhaitiez si ardemment, puisque ce pays est celui de vos racines familiales ?

Reina-Flor : - J'ai renoncé en définitive à représenter la Guinée Équatoriale, car je me suis rendu compte que ce projet n'allait pas aboutir comme je l'espérais.

Il y a plusieurs étapes à respecter dans la transition de transfert d'allégeance. au niveau des instances (IAAF, Fédération), tout était ok, mais au niveau des engagements consentis, je me suis rendu compte que quelque chose n'allait pas et je voulais pas assumer cette prise de risque.

- Quel rôle a joué le ministre des sports, Ruslan Obiang, dans ce projet et dans cet échec ? Et Manuel Sabino Asumu Kawan, le président de la Fédération d'athlétisme et du centre olympique équato-guinéen ? Qui était chargé du dossier ? Quels ont été vos soutiens dans cette aventure ?

Reina-Flor : - J'ai rencontré ces personnes rapidement qui ont toutes accueilli le projet avec beaucoup d'enthousiasme. J'ai même eu le soutien du mari de ma tante, Lucas Nguema, afin de rencontrer toutes les personnes qu'il fallait pour avancer au mieux dans ce projet. Après, allez savoir ce qui s'est passé au niveau des méandres administratives ! Je pense que c'est peut-être ma méconnaissance de la culture équato-guinéenne qui a fait défaut à un moment donné.

- Connaissez-vous les deux athlètes qui ont finalement représenté le pays aux Jeux Olympiques de Londres : Liliana Martina Olama (Heptathlon) et Antimo Costantino Biyange (800 m) ?


Reina-Flor : - J'ai rencontré Liliana à Londres à l'échauffement des haies, elle était dans la série 5. J'étais heureuse de voir que la Guinée Équatoriale avait des représentants. Car c’était la volonté du CIO et de la Fédération que la Guinée Équatoriale réapparaisse dans le paysage de l’olympisme.

- Certains ont avancé le fait que vous ne soyez pas membre de l'ethnie majoritaire, Fang, pour expliquer votre non-sélection, qu'en pensez vous ?


Reina-Flor : - Le sport a cette vertu d'unir les peuples et développer le sentiment patriotique. la Guinée Équatoriale est une mosaïque de plusieurs ethnies, qui sont métissés elles-mêmes. Une vraie fierté nationale plus qu'ethnique est un vecteur de croissance et développement. Je crois que cela va dans ce sens, il y a des changement subtils dans cette direction...

- Pensez vous que vos propres difficultés soient liés aux mauvaises relations entre la France et la Guinée Equatoriale ?

Reina-Flor : - Non

- Le blocage a été politique ou administratif ?


Reina-Flor : - Je n'en ai aucune idée. A partir du moment où je me suis rétractée, on dira qu'il n'y avait pas de blocage...

- Allez-vous tenter à nouveau de courir pour la Guinée pour les Jeux olympiques de Rio ou les championnat du monde d'athlétisme de 2015 ?

Reina-Flor : - La France investit pour ses athlètes et nous obtenons des résultats qui sont une vraie valeur ajoutée pour notre aura sur la scène internationale et auprès des générations futures. Je suis un produit de la France, à travers mon éducation (depuis l'âge de 3 ans) et dans le sport je me dois d'honorer le maillot.

De plus, je suis soutenue. Beaucoup de gens croient en mon projet et s'investissent concrètement pour me permettre d'atteindre mes objectifs.

La Guinée Équatoriale semble vouloir des résultats sans mettre un seul centime sur la table… Certainement, par choix budgétaire. C’est dommage car je suis très inspirée par mon pays d'origine, mais il y a certains facteurs qui m’échappent.


A travers mes études de communication et de marketing et mon expérience du haut niveau, j'ai exprimé au ministre, M. Ruslan Obiang, ma volonté de contribuer au développement du sport et à l'éducation par le sport, mais sans réel retour à ce jour. Toutefois, je suis sûre qu’ils sont en train de mettre en place une équipe de personnes compétentes.

- Que pensez vous de la situation du sport en Guinée Equatoriale ?

Reina-Flor : - Cela faisait partie des objectifs définis entre le CIO et la Guinée Équatoriale : Revenir sur la scène internationale avec le projet solidarité olympique.

Les efforts mis en place pour avoir des installations sportives de qualité vont permettre, je l'espère, de voir émerger une génération d'athlètes capables de rivaliser avec les meilleurs au monde. Une lueur d'espoir.

- Et concernant l'athlétisme en particulier ? Existe-t-il un avenir ? Des centres de formations ?

Reina-Flor : - Je suis une athlète d'origine équato-guinéenne. Formée en France, mais équato-guinéenne. Si j'ai pu le devenir, ils le peuvent encore bien davantage. Nous n'avons rien à envier aux Américains ou aux Jamaïcains, nous sommes des forces authentiques.

- Avez vous rencontré d'autres athlètes guinéens ou d'origine guinéenne ?

Reina-Flor : - Lors de mon premier voyage en 2010, j'avais tenu à rencontrer les athlètes et à voir leur centre d'hébergement
. J’espère que depuis ils ont de meilleurs locaux. Mais dans la diaspora, je ne connais pas trop de sportifs équato-guinéens.

- Quels sont, selon vous, les disciplines et les athlètes guinéens représentant l'avenir du sport en Guinée Equatoriale ?

Reina-Flor : - Toutes ! A condition d'un gros programme de détection dans les écoles. Ensuite, ce qui compte c'est d'inculquer la culture du leadership, la gagne ! Dans tous les domaines. Car il y a des infinités de qualités, de capacités, mais peu d'enthousiasme à faire des efforts. Certainement parce que la plupart n'ont pas conscience de ce que cela peux faire dans leur vie ou bien parce qu'ils sont résignés, car ils n'ont pas les moyens de s'investir. C'est cela la Guinée Équatoriale d'aujourd'hui.

- Pour quelles raisons vos parents sont-ils partis au Gabon, puis en France ?

Reina-Flor : - Je suis née au Gabon pendant la période de dictature où il y a eu des persécutions sur la population et notamment des autres ethnies qui n'étaient pas fang. Ce qui est assez paradoxal, parce que mes grands parents sont pour beaucoup dans le développement de l'éducation en Guinée Équatoriale. Ils n'étaient pas politiciens, mais ils ont oeuvrés pour le développement du pays. Lors du décès de ma grande-mère, on lui a fait des obsèques nationales.

- Vous vous présentez comme Ndowe, pouvez vous nous en dire plus ?

Mon grand père paternel Okori, un Ibo venu du Nigéria pour s'installer en Guinée Équatoriale, a épousé une femme kombe du nom de Congue. Ma mère, elle, est bapuku par son père, Sebastian Makendengue et kombe par sa mère Rosa Evita, tous les deux appartenant au peuple ndowé, originaires du littoral de la partie continentale de la Guinée Équatoriale.

Je suis donc kombe, ndowe, ibo du Nigeria, née au Gabon, de culture française et mon compagnon est hollandais ! Ne me demandez pas de choisir entre les ethnies, car elles font partie de moi. Je connais leur histoire, mais je n'appartiens pas à la génération de ceux qui se revendiquent avec leur ethnie à tout prix.

- Quels liens gardez vous avec la Guinée ?

Reina-Flor : - Je me suis rendu compte en allant sur place que cela est bien ma terre ! La beauté du peuple, du paysage, la mer et la forêt omniprésente tous les souvenirs que j'avais enfoui en moi ont ressurgi. J'ai plusieurs pied-à -terre là-bas. Après ma carrière d'athlète, j'envisage d'y aller plus souvent.

- Vous qui avez visité le pays, que pensez vous des réalisations du gouvernement (routes, infrastructures sportives, urbanisation) ?

Reina-Flor : - Les réalisations du gouvernement sont nombreuses et visibles. A ce niveau, la Guinée Équatoriale se distingue de nombreux pays africains. Un peu à l'image des Émirats arabes qui jouissent aussi de la manne du pétrole (bien que depuis plus longtemps).

Maintenant, j'espère que le nécessaire est fait pour que toutes forces vives du pays fassent parti du plan de développement. Il faut penser de façon transgénérationnelle et assurer la pérennisation du peuple. Nous sommes sur un fil tendu à ce niveau où la génération issu de la diaspora a des difficultés à revenir travailler pour le pays où d'un côté il y a encore une forme de népotisme muet et d'un autre côté des réformes en cours pour le développement en général qui avancent à pas d'escargot.

Mais attention, je ne dénigre pas ! Cela est aussi présent en France, mais à des proportions moindres : la discrimination des races et bien présente, et en même temps, l'égalité des chances est réelle grâce aux lois et conventions qui ont été votées et qui ont permis à la diversité de s'investir et de participer de façon concrête au déploiement de la France d'aujourd'hui. D'ailleurs, je suis convaincue que le développement de la France qui a une croissance si faible (0,1% contre 7,8% pour la Guinée Équatoriale) passera par le déploiement de sa diversité.

Nous nous devons donc d'être patients avec les forces politiques en présence en Guinée Équatoriale, car la France ne s'est pas construite en 10 ans.

- Que pensez-vous du positionnement de la France en Guinée équatoriale : entreprises (Bouygues, Orange, etc), institut culturel, francophonie...?

Reina-Flor : - Depuis des années 1970, la France a compris quels intérêts elle a d'assurer une présence en Guinée Équatoriale.

En Afrique et en Guinée Équatoriale, ces grosses entreprises multinationales ont une double stratégie : d'une part, faire du profit et de l'autre alimenter leur pays par l'exploitation des ressources naturelles et humaines.

Pour cela, tous les moyens sont bons, on l'a bien compris et tout le monde le sait à présent… A travers une colonisation économique, culturelle, politique et un lobbying subtil qui a débuté bien avant la décolonisation.

Il y a certes des amoureux de la Guinée Équatoriale, comme beaucoup d'Équato-guinéens sont amoureux de la France, ce qui contribue aux bons échanges culturels. Mais je pense qu'en haut lieu, les enjeux sont autres ! La différence d'avec la Françaffrique d'avant, c'est que le rapport de force est en train de basculer. La Guinée Équatoriale, en diversifiant ses partenaires, l'a prouvé au risque de provoquer quelques grincement de dents du côté français.

- Selon vous, la France a-t-elle une politique cohérente à l'égard de ce pays ?

Reina-Flor : - Je ne saurai que dire à ce sujet, si ce n'est : Qui abuse qui ? Qui profite de qui?

Ce qui me préoccupe le plus, c'est la manière dont nous nous traitons nous-mêmes. Mais cette problématique est universelle! Si nous traitions les autres de la même manière que nous nous traitons nous mêmes, les choses seraient autres ! Mais j'ai bien conscience que dans le monde actuel, il suffit de donner une haute position de pouvoir à n'importe quelle personne pour la voir renier ses convictions et sa bonnes volonté. Rares sont les êtres sur cette terre qui arrivent à assumer le pouvoir avec justesse et équité.

- Que pensez-vous des actes de violence et de discrimination subis pas les étrangers africains (Camerounais, Maliens, etc) en Guinée équatoriale ?

Reina-Flor : - Malheureusement les peuples ont vite tendance à oublier les souffrances qu'ils ont endurées et font subir la même chose aux autres. Pendant la dictature, les Guinéens ont vécu beaucoup d'humiliations à l'étranger, et apparemment ils ont la mémoire très courte. C'est vraiment dommage.
- Selon vous, peut-on parler de tourisme en Guinée ?

Reina-Flor : - Oui, mais pas comme les îles des tropiques ! Nous avons la chance d'avoir un petit pays et la possibilité de mesurer sa fragilité... Plus qu'ailleurs, la préservation de l'environnement permettra de faire de la Guinée Équatoriale une destination écologique privilégiée. Mais encore une fois, ce ne sont que les rêves idéalistes !

- Vous allez bientôt y retourner ?

Reina-Flor : - Je l'espère, mais étant donné que j'ai décidé de poursuivre ma carrière d'athlète jusqu'en 2016, je ne dispose pas beaucoup de temps. Par la suite, j'en ferai ma destination vacances privilégiée, car avec à peine 6 heures d'avion, sans décalage horaire important (2H) et un climat équatorial, je ne vois pas pourquoi je m'en priverais, d'autant plus que c'est ma terre! Et surtout, je suis impatiente de la faire découvrir à tous les amis du monde sportif et au delà...

- Merci Reina-Flor d'avoir bien voulu répondre à nos questions. Tous nos voeux vous accompagnent pour une belle fin de carrière couronnée de succès.

© Association France-Guinée équatoriale